1855, une année en salles des ventes (1). Introduction .
Par Lucille Garnery, Camille Nerestan, Morgan Belzic.
Regarder au-delà des ventes d’antiquités
Depuis dix ans, le programme de recherche Répertoire des ventes d’antiques se focalise sur les ventes aux enchères dédiées aux antiques ou comprenant des antiquités. Nous avons pu ainsi remarquer l’extrême concentration des ventes au sein de quelques études, ancêtres des maisons de ventes, qui constituent le cœur du marché parisien des antiquités et donc l’un des rouages majeurs du marché des antiquités à l’échelle internationale.
Nous nous sommes intéressés cette année à compléter le Répertoire des ventes lui-même, autrement dit la liste, la plus exhaustive possible, des ventes comprenant des antiquités sur le marché français. Pour cela, nous avons également passé quelques semaines à reprendre la liste des procès-verbaux disponibles aux archives de la ville de Paris, explorant, boîte après boîte, feuillet après feuillet, les piles immenses de minutes des ventes aux enchères. C’est à cette occasion qu’il nous a paru essentiel de commencer à replacer les ventes d’antiques au sein de l’activité de ces études ; les réintégrer dans un environnement économique et social plus large, celui des ventes publiques parisiennes. En d’autres mots, de recontextualiser les ventes d’antiques au sein des ventes publiques.

Fig. 1 et 2
1855, une année exemplaire
Pour ce faire, étant donné l’immensité des fonds, nous avons décidé de nous focaliser sur une année en particulier. Car il est évidemment impossible de quantifier l’ensemble des ventes aux enchères du XIXe siècle, d’autant qu’une partie des archives des commissaires priseurs est manquante, ou n’a jamais été versée dans les fonds publics, comme cela était pourtant obligatoire.
Nous avons donc fait le choix d’une année, 1855, au coeur de la période considérée de 1810 à 1910 (figs. 1 et 2), car elle comprend un ensemble de neuf ventes d’antiquités, ce qui en fait une année moyenne pour le milieu du siècle, avec quelques ventes majeures comme celle de Raoul Rochette – dont le procès-verbal est par ailleurs manquant. Nos recherches ont permis de découvrir trois autres ventes, qui n’avaient pas été inventoriées par Lugt.
Cette année 1855 correspond encore au début de l’hôtel Drouot, fondé en 1851 et inauguré en 1852 et surtout à deux transitions internes importantes, avec le passage de relais en 1854, entre Ridel et Pouchet et en 1855 entre Bonnefons de Lavialle, (principal commissaire-priseur pour les antiques de la première moitié de la période) et son successeur Pillet (fig. 3).
Cela en fait donc une année exemplaire, au sens propre du terme.
De manière plus anecdotique, il s’agit également de l’année de la mort du comte de Pourtalès Gorgier dont la collection, fondamentale dans nos études, ne fut vendue que dix ans plus tard, mais qui témoigne du marché des antiquités de la première moitié du siècle.

Fig. 3
Méthodologie
Nous avons sélectionné trois opérateurs, trois études, bien familières aux habitués des ventes d’antiques et qui ont concentré l’essentiel de cette activité au XIXe siècle (fig. 3) :
-L’étude Bonnefons de Lavialle/Pillet (archives de la ville de Paris, D48E3) ;
-L’étude Delbergue, à qui succèdera plus tard Delestre en 1875 ((archives de la ville de Paris, D60E3) ;
-L’étude Pouchet, reprise à Petit-Ridel en 1854 (archives de la ville de Paris, D42E3).
A cette fin, nous avons listé l’ensemble des ventes de ces trois études, leurs acteurs et caractéristiques principales, sous forme d’un tableur (ouvert à la consultation).
Nous ne sommes pas en mesure de donner une vision globale des ventes de cette année-là. Il ne s’agit que de trois des études en activité sur la période : les 27 études identifiées par leurs minutes aux archives de la ville de Paris et celles dont nous ne connaissons l’activité que par les catalogues de vente, comme Malard (fig. 4).
Toutefois, le dépouillement des ventes de ces trois études suffit à la fois à distinguer la place des ventes d’art et de curiosités au sein de leur activité économique, mais plus encore à distinguer la place des ventes d’antiquités au sein des ventes d’art, tout en prospectant sur la nature et le rôle des divers acteurs impliqués dans les ventes publiques, depuis les marchands jusqu’aux “hommes de peine”, et la géographie des ventes.
Archives et bibliographie
Cette étude est rendue possible grâce à la publication récente de l’ouvrage de Léa Saint-Raymond, À la conquête du marché de l’art, le Paris des enchères (1830-1939) qui permet de compléter, par un grand nombre d’aspects, la documentation offerte par les archives, et qui nous permet surtout, dans bien des cas, de comparer et vérifier la justesse de nos données numériques.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Lucille Garnery (19 mai 2022). 1855, une année en salles des ventes (1). Introduction . Les ventes d'antiques en France au XIXe siècle. Consulté le 15 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/v67w